Plus tard, le sentiment religieux de Jammes se précise. Des
malheurs domestiques lui dévoilent que l’humanisme comporte
trop d’indécisions pour donner à ceux qui souffrent les
consolations nécessaires. En 1905, un ami réussit enfin à ramener
le poète au catholicisme. Il s’y jette avec la reconnaissance
d’un enfant qui retrouve les joies de l’âge innocent. À
l’altruisme dont le christianisme n’est par certains côtés
qu’une traduction mythologique, Jammes ajoute alors le
charme mystique des sacrements et tourne vers l’humble
église de son village ses yeux fatigués de larmes :
O mon fils, laisse aller l’ignorance indécise
De ton cœur vers les bras ouverts de mon église !
La vérité prend donc enfin pour Jammes un triple aspect : elle est la nature intérieure ou extérieure ; elle est Dieu ; elle est aussi le culte de ce Dieu.
Reste à l’exprimer. La première condition pour en donner une expression parfaite, c’est de l’aimer le plus profondément, le plus largement et le plus simplement possible : « Tu connaîtras que tu es poète à ce que ton cœur sera clair comme un lilas et à ce qu’il se gonflera comme un oiseau dans le vent et à ce qu’il se portera vers les eaux transparentes, les airs limpides, les feux purs, les terres vierges, et à ce qu’il aimera les animaux et les choses, tes sœurs, et à ce qu’il s’attendrira devant la lourdeur d’une ânesse pleine autant et plus qu’auprès d’une reine enceinte, et à ce qu’il se sentira davantage commandé par le bâton d’un mendiant que par le sceptre d’un roi [1]. »
La deuxième, c’est de s’appliquer à le copier avec exactitude : « Il n’y qu’une école : celle où, comme des enfants qui imitent aussi exactement que possible un beau modèle d’écriture, les poètes copient un joli oiseau, une fleur, ou une
- ↑ Conseils à un jeune poète.