Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
LE SYMBOLISME

sons, tel ordre de sentiments et d’idées ». Là encore il suffisait d’observer et d’opérer par analogie. Comment procède le musicien qui veut rendre « des brutalités glorieuses de triomphe ou d’exaspérées explosions de colère » ? Il n’a pas recours au gazouillis des flûtes et des fifres, mais à l’âpreté somptueuse des cuivres. En pareil cas le poète doit user « des voyelles dures et hautes, soutenues de gutturales profondes, des o, au, oi, appuyés des rudesses des r, p, s ».

Le lourd émoi des nuits ouvre à vague volées :
Un pleur immense râle : et — glas d’ailes, alors
qu’au loin de l’horizon dure un vol noir de grolles
clangorante rauqueur à l’émoi de paroles
quand aux mi-trépassés va l’appel morne, hors
des soirs longs, par les prés et les prés malévoles
le lourd émoi des nuits ouvre à vague volées
un retardé glas hors des ans heureux, un glas
des marteaux las qui vont du haut de leurs mêlées
choir[1]


Que le musicien entreprenne au contraire de traduire des soli d’amoureux, il empruntera les claires sonneries et les séries les plus hautes des Sax. De même le poète tirera parti « des fluidités douces des a ou de la simplesse mélancolique des u ».

Mais (à allants pas lents vont les mariés) nous
dédierons longtemps nos gestes à la lune.
Tant (à allants pas lents vont les mariés) qu’une
même aventure ira votive, d’Astres doux…
… Qui me dira quand la verra, ah ! la verra,
mon heur riant exempt d’hiver et de veuvages,
l’aurore de l’aurore où ma peine mourra[2].

  1. La Preuve égoïste.
  2. Le Geste ingénu.