de syntaxe. Sa lyre à la fois héroïque et dolente émet des
vers à cadence sonore au rythme plus viril que mélancolique.
« Il a pris à la fréquentation des Muses helléniques
et latines, dit judicieusement de lui Henri de Régnier, une
gravité harmonieuse et hautaine, un reflet lumineux et
calme. » Son originalité, c’est pour ainsi dire d’avoir socialisé
la poésie. Au lieu de reprendre exclusivement les thèmes
de tristesse intérieure ou d’exaltation de l’infini mystérieux
si chers à la plupart des symbolistes, Quillard a pensé que
l’altruisme pouvait et devait être une des cordes importantes
de la lyre française et il a tenté de vivifier le poème par
l’inspiration sociale :
Je viens à vous, frères penchés sur les emblaves,
Attelés à la meule au fond de l’ergastule ;
Mon verbe lacérant l’antique crépuscule
Souffle une âme de pourpre à vos âmes d’esclaves ;
Redressez-vous ; sarclez les herbes parasites :
Lancez contre le ciel les pierres de vos geôles,
Et que les murs vaincus, par vos fortes épaules
Vous ouvrent le jardin des terres interdites[1].....
Mais la prose est ici plus forte que la poésie à défendre
des intérêts menacés. Entraîné par l’élan de sa pitié, Pierre
Quillard descendit du Parnasse pour plaider par la parole
et par la plume diverses causes où l’équité parlait plus haut
que l’art. Un autre poète, Bernard Lazare, avait donné le
même exemple. L’humanitarisme à tous deux leur a fait
oublier les vers. Ils ont du moins indiqué que la poésie en
pouvait être l’auxiliaire heureuse.
4. Laurent Tailhade. — C’est à cette école que prétendait
appartenir le philologue Laurent Tailhade quand il s’écriait
dans le Jardin des rêves :
… Nous ferons splendir dans la forme correcte
Le rêve fraternel qui hante nos cerveaux
- ↑ L’Errante.