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LE SYMBOLISME

des idées platoniciennes pour rendre à la passion son caractère idéaliste. La Parfaite Amye d’Antoine Heroët, publiée à Lyon en 1562, avait révélé ces tendances à subtiliser l’amour. Ce poème, « petit œuvre, dit Pasquier [1], mais qui en sa petitesse surmonte les gros ouvrages de plusieurs », était un curieux recueil de pensées spiritualistes et d’opinions délicates sur les raisons suprêmes de l’amour. Il y est question « de cœurs qui se réunissent et se confondent en Dieu ». Reprenant la théorie platonicienne d’une existence préalable dans l’éther en compagnie des dieux, Heroët expliquait que l’amour véritable pouvait être dégagé de tout désir sensuel. Il n’était qu’une amitié renouvelée, celle que deux âmes avaient commencée dans le ciel et reprenaient sur terre dès qu’elles s’étaient retrouvées et reconnues. Cette thèse avait été plus complètement exposée dans le Conte du Rossignol, où se rencontre à cette époque un indice très caractéristique de symbolisme. L’auteur Gilles Corrozet suppose deux jeunes amants, Florent et Yolande, qui discutent sur les choses d’amour. Yolande veut inspirer à celui qui l’aime une affection idéale et le chapitre convenablement sur la grossièreté des désirs qu’il manifeste. Enfin, pour lui indiquer en quoi consiste le véritable amour, elle lui pose cette question : « Que fait le rossignol ? » Le malheureux amant cherche dans ses souvenirs. Il en appelle même à l’antiquité classique, sans parvenir à trouver le mot de l’énigme. Mais voici qu’il rencontre sur son passage une vieille femme, au visage ridé, qui pour l’auteur symbolise la sagesse et qui lui dit :


Entends, mon filz, que la coustume est telle
Du rossignol qui jamais à femelle
Ne se conjoint que sur un rameau verd,
Auprès duquel a plein et descouvert

  1. Pasquier, Recherche de la France, liv. VII, chap. 6.