ment il partage l’avis des poètes de son temps, mais encore
il adopte les axiomes de l’occultisme contemporain. Sans se
reconnaître précisément un adepte des doctrines swedenborgiennes,
il professe un spiritualisme presque platonicien.
Les âmes habitent momentanément la terre ; elles y viennent
comme sur un théâtre pour y répéter le rôle qu’elles auront
à jouer dans la vie éternelle. Le corps est pour elles un
habitacle éphémère, un instrument qu’elles animent pour
accomplir leur destinée terrestre. Les esprits d’élite peuvent
en réfléchissant saisir la double individualité de leur nature :
« C’est ainsi, confesse Gérard de Nerval, que je croyais percevoir
les rapports du monde réel avec le monde des esprits.
La terre, ses habitants et leur histoire étaient le théâtre où
venaient s’accomplir les actions physiques qui préparaient
l’existence et la situation des êtres immortels attachés à sa
destinée. » Chez Gérard de Nerval, cette théorie se traduit
par une affection physiologique assez curieuse : il sent en lui
la présence de deux individus ; il lui arrive même de voir
son double et de s’écrier : « Quel était donc cet esprit qui
était en moi et en dehors de moi ? » Il en fait aussitôt ce
« frère mystique » dont parlent les légendes orientales et
toute sa vie passe à contempler la lutte incessante que ces
frères ennemis vont se livrer dans son propre individu.
C’est à ces compagnons, dont sa volonté ne sera pas toujours
maîtresse, qu’il doit ses convictions idéalistes. Il est vrai
qu’elles ne se sont pas formées sans lutte. Ayant pensé
d’abord que le ciel était vide, Gérard de Nerval a magnifiquement
crié sa douleur dans le Christ aux Oliviers.
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas ! et, si je meurs, c’est que tout va mourir.
Plus tard, le poète a touché de son front à la voûte éternelle. Sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours, il a