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étude sur les sépultures barbares

guerriers ; Alamans signifie hommes de pays divers, assemblage d’hommes que la guerre ou le hasard avait formés. On a imaginé de nos jours que c’étaient des confédérations d’anciens peuples ; ce n’en étaient que des débris… Et ces débris de peuples tenaient bien peu de place ; dès la fin du deuxième siècle de notre ère, la Germanie était presque vide…[1]. »

Dès lors, comment admettre l’opinion d’historiens qui parlent de la prise de possession de notre sol par les Francs s’établissant en vainqueurs et par conséquent en maîtres sur les différentes régions de la Gaule ? Pour que cette assertion pût être acceptée et paraître vraisemblable, il eût été nécessaire d’établir le nombre et la force, l’unité d’action de ces barbares. Aug. Thierry a singulièrement exagéré les faits en nous montrant la ligue, l’association des Francs entrant en lutte avec Rome[2]. ». Ces bandes, restes de peuples autrefois puissants, n’étaient plus alors que des hordes peu nombreuses, nullement unies, n’agissant jamais de concert. « Les Francs, — dit Fustel de Coulanges, — ignoraient non seulement la centralisation, mais même la fédération… ; jamais ils ne forment ni un grand penple ni une grande armée[3]. » Guizot semble avoir eu la même manière de voir dans un exposé rapide de l’état de la Gaule au quatrième siècle[4].

Au moment où la plupart des écrivains placent les plus nombreuses et les plus terribles invasions des Francs, presque tous ces barbares étaient déjà dans l’Empire à des titres divers, mais ils étaient ses sujets. « Au commencement du cinquième siècle, — dit Fustel de Coulanges, — il ne restait presque plus de Francs sur la rive droite du Rhin[5]. » — « Les historiens modernes, — ajoute-t-il, — ont été frappés de ce que la population gauloise n’avait pas résisté à l’entrée des Germains… » Mais comment pouvoir admettre une résistance quelconque là où il n’y avait pas de conquête à redouter ?

Il n’est pas douteux que des bandes barbares firent irruption en Gaule d’une façon brutale et se livrèrent à toutes sortes d’excès ; mais il est, d’autre part, hors de doute que la plus grande partie de ces peuples ne pénétrèrent sur notre sol que d’une manière pacifique, « en qualité de laboureurs, sous le nom de soldats fédérés et par l’ordre du gouvernement impérial…[6] »

D’une façon générale, Guizot a pu avoir raison de dire qu’« ainsi fut détruite en Gaule la société romaine, non comme un vallon est ravagé par un torrent, mais comme le corps le plus solide est désorganisé par l’infiltration continue d’une substance étrangère[7]. » Toutefois, si cela est vrai pour certaines parties

  1. Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l’ancienne France, p. 314.
  2. Aug. Thierry, Lettres sur l’histoire de France.
  3. Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l’ancienne France, p.377.
  4. Guizot. Histoire de la civilisation en France, t.i, p.215.
  5. Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l’ancienne France, p.378.
  6. Id., ibid., passim.
  7. Guizot, Histoire de la civilisation en France, t.I, p.217.