Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 1.djvu/21

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son élection, d’hommes sans expérience et pleins de préjugés, elle avait su s’en dégager à la voix d’orateurs qui lui étaient suspects, mais qui lui disaient la vérité. Elle avait d’ailleurs un rare mérite, celui de sentir qu’elle était responsable des destinées du pays, et de ne vouloir se décharger sur personne de la responsabilité. Dans l’Assemblée plus éclairée qui lui succédait, il fut au contraire aisé de voir dès le début que chaque parti cherchait le salut ailleurs que dans l’assemblée elle-même, et que l’idée d’une révolution monarchique, césarienne, ou socialiste, avait gagné presque tous les esprits. La situation de M. Barrot, bien loin qu’elle fût simplifiée, était donc plus compliquée que jamais. Il ne lui suffisait plus de résister au président et à la fraction violente du parti républicain, il fallait encore arrêter le parti monarchique qui, enivré par son succès, voulait s’emparer du pouvoir pour frayer le chemin à l’antique monarchie. Quand, à gauche, on lui reprochait de trahir la révolution, on lui reprochait à droite de la servir ; et le centre, qui déjà tournait les yeux vers l’Élysée, ne lui donnait qu’un faible appui. Il n’en continua pas moins son œuvre, s’efforçant de calmer les susceptibilités, de désarmer les hostilités, et de rapprocher les pouvoirs aussi bien que les partis. Il avait d’ailleurs fortifié son ministère par l’accession de MM. Dufaure, de Tocqueville et Lanjuinais ; mais ces trois noms qui appartenaient au parti de la république modérée n’étaient pas faits pour plaire aux monarchistes de la droite. Ceux-ci adressaient alors à M. Barrot le repro-