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Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 2.djvu/18

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aventures ; son histoire, si obscure et si mal comprise qu’elle ait été jusqu’à ce jour, commence, grâce aux travaux de quelques historiens éminents qui ont fait entrer la philosophie dans l’étude des faits historiques, à être mieux connue, et quand on voit au seizième siècle, par exemple, à combien peu il a tenu que notre nation n’entrât dans cette voie où d’autres nations et l’Angleterre entre autres ont rencontré cette sage conciliation entre les droits de l’individu et ceux de l’État, qui assure à ces nations la dignité, la liberté et la sécurité, il n’est pas permis de désespérer de voir la France entrer un jour dans cette même voie.

Pourquoi, en effet, les Français du Canada, les exilés à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, ont-ils su s’organiser si fortement et offrir le spectacle de communautés vraiment libres, en Allemagne, en Amérique ? C’est qu’ils avaient été jetés par la force des événements hors de l’influence de ces mœurs, de ces habitudes de centralisation qui, dans leur pays, les paralysaient et leur enlevaient toute spontanéité. Il faut donc reconnaître qu’il n’y a pas là une question de tempérament, mais une question de conduite, et cela est consolant car si on doit désespérer de guérir un mal organique, on entreprend avec confiance la guérison d’une maladie seulement accidentelle.

Le résultat de la lutte entre la réforme et le catholicisme, au seizième siècle, a été doublement malheureux pour la France ; la partie virile de l’aristocratie française ayant été brisée dans cette lutte, cette force résistante a disparu de la société, laissant le champ libre à la monarchie qui, à partir de ce moment, trouva de trop grandes facilités pour tout concentrer en elle. Après cette lutte qui a été la crise décisive de la constitution politique de notre pays, il y a eu encore des ligues, des coalitions d’ambition, des intri-