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Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/118

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et du ruisseau, sur les bancs où l’ivresse des soirs laborieux alterne avec les bégaiements de l’instinct premier, l’amour triomphe ingénument. Et c’est pour exprimer tant de fièvres, d’élans et de lassitudes que le jet d’eau de la place Pigalle monte vers le ciel d’étoiles.


D’aspect mélancolique à l’ordinaire, le site s’exalte périodiquement aux fêtes foraines ; des baraques, des tentes et des carrousels y poussent comme un camp d’invasion ; la mêlée des orgues et des fanfares y clame les ritournelles de la foule avec une furie guerrière ; la vie y tourne et tourbillonne simplement, éperdument comme une danse enfantine ; et l’âme nègre des cohues s’épanouit en jeux bigarrés, s’épanche lascive, coule dans la joie des promiscuités tièdes et des frôlements.


Mais quand les neiges de janvier papillonnent, quand les tramways se perdent dans la brume de quatre heures, avec leurs impériales vides comme des bancs de square, et leurs cochers empaquetés cornant un « la » trop bas, une agonie s’y dissout dans l’air ;