Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/119

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les arbres excoriés, souffrants, se suivent en sémaphores de détresse ; au long de l’avenue on se sent pris d’un immense besoin d’aimer, comme le voyageur des steppes succombe à l’impérieux sommeil.

Ailleurs, sur le boulevard Sébastopol, par exemple, on subirait le roulement des fardiers avec des nerfs robustes, on communierait à l’âme carthaginoise du quartier, les drogueries de la rue des Lombards tonifieraient la faiblesse du cœur. Sur les quais on humerait du passé ; un peu d’exotisme passerait sous les ponts, en aval, au soleil tombant, quand le fleuve roule des moires de goudron avec des pétroles d’azur. Sur les trottoirs de la Madeleine voisins du marché aux fleurs, on s’émotionnerait d’un rythme de talons secs, on devinerait la passante.

En province, les pavés sont rudes, le parler traînant ; on a le temps ; sans impatience on se prépare à vivre ou l’on attend la mort. À Paris, on est arrivé. Et ce n’est que cela.

Si la rue point spécialisée permet alors l’arrêt, l’isolement, l’inquiétude attentive, on subira la tentation d’un grand trésor de civilisation