Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

côte à côte, accoudés. Ils oubliaient leur rivalité sentimentale. Une pensée plus haute les réunissait.

— Voyez donc, Robert, comme le brouillard est rouge sur Paris.

— C’est le sang du supplicié qui coule dans le crépuscule.

— Et ces nuages, là-bas, comme des écharpes déchirées, ces loques fouettées au vent comme des drapeaux noirs, et ces fenêtres closes, ces dentelles d’arbres morts, ces crêpes et ces fumées d’usines !

— Mon pressentiment ne m’avait pas trompé. Cette nuit, je pensais au prisonnier de la Roquette ; j’imaginais que l’aurore prochaine pouvait être l’heure du crime social ; et, dans mon insomnie j’assemblais des mots :


Un ciel boueux, taché de sang, c’était l’aurore,
La vieille aurore avec ses rosés de festin,
Qui se levait honteuse à l’appel du destin
Pour éclairer des yeux que la mort allait clore.


— Il y ainsi des sympathies secrètes ; des faits mystérieux ou lointains se répondent. Ce jour d’hiver, d’une lumière si pure, où nous voyons passer des ombres, me rappelle un soir