Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/33

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d’un verre ont libéré ces forçats quotidiens.


Aux absinthes, Robert préférait l’amertume intérieure qui, des soirs, l’exaltait.

Il écarta les tablettes et s’absorba dans l’ennui bleu d’une cigarette. Il ne savait point s’intéresser aux règles d’une partie de piquet, et cette indifférence le mettait parfois en fâcheuse posture devant les événements.

Aucune ambition n’inspirait sa conduite, et cette sagesse de la cinquantaine paralysait ses débuts. Étudiant en pharmacie, mal résigné à la vie de potard, il avait lâché l’école à la mort de sa mère, morte en 1892 d’une maladie de cœur. Son père, qu’il n’avait pas connu, était tombé sous les balles versaillaises pendant la Semaine sanglante. Ce fait avait contribué sans doute à sa rancune révoltée, mais aussi à son émancipation, à sa poussée d’un jet hardi, car la tutelle d’un père, si vitale qu’elle soit, est souvent déformante.

À vingt ans, orphelin et libre : quel rêve et quel danger !