Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/332

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à crier pour ne pas entendre les voix qui retentissent dans son intérieur ; il est triste, il court se distraire ; il n’a rien à faire, il invente une occupation : par haine de la solitude, il se lie avec tous, il lit tout, il s’intéresse aux affaires des autres, enfin il se marie à la hâte. Le voilà dans un port ; la paix de la famille et la guerre de la famille ne laisseront pas beaucoup de place à la pensée : il ne convient pas, pour ainsi dire, à un père de famille de penser beaucoup ; il ne doit pas en avoir le loisir. Celui à qui la vie de famille aussi fait faux bon, s’enivre de toutes sortes de narcotiques : de vin, de numismatique, de cartes, de courses, de femmes, d’avarice, de bienfaisance ; il donne dans le mysticisme, se fait jésuite, s’impose des travaux énormes, et ils lui semblent encore plus légers que la vérité qui dort en lui et qui le menace. Dans cette crainte de l’investigation qui pourrait bien nous convaincre de la nullité de ce que nous cherchons, dans cette préoccupation artificielle, dans ces malheurs postiches, et, de plus, compliquant chaque pas par des difficultés imaginaires, nous traversons la vie à moitié endormis, sans avoir