Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/98

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dix pas dans un rouge halo, comme des petites lunes brumeuses. Des formes fantasques et lourdes surgissaient, disparaissaient. Ils goûtèrent la surprise de cette nuit ouatée où jouaient des ombres.

— Robert, prends-moi, dit Mariette ; là, serre-moi contre toi, garde-moi ; j’ai froid, méchant.

Ils allaient, aveugles joyeux, comme au hasard, bavards et fantoches.

Robert enserrait Mariette sous son collet d’un geste souple, liant son pas au sien d’une même allure, les doigts à la tiédeur de son aisselle — et il pensait à Laure Vignon. Elle lui apparaissait dans la brume opaque et dans le trouble de sa conscience, fée inquiétante tenant dans ses mains le fil conducteur des existences.

Il eut peur de l’aimer et voulut leurrer sa passion. Une grande lâcheté le tenta : confusion sentimentale, trahison inavouée, de l’équivoque et du brouillard. Et c’était la caresse de la chair proche qui s’emparait de lui, dominant ses pensées, la tiédeur de cette aisselle blonde qui l’empoisonnait, et jusqu’au parfum resté dans la fourrure où se frôlait sa joue.