Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/299

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ordre, de cette expédition et s’en acquitta fort bien.

    l’anarchie ? Désabusez-vous. La Convention ne met dans les places des hommes intègres et de bonne foi que pour les livrer, sous le prétexte frivole de trahison et de perfidie, au glaive de la vengeance qu’on appelle celui de la justice.

    Rossignol. — Arrêtez, Talmont ! Vous calomniez la représentation nationale ; elle a frappé tous les scélérats qui s’entendaient avec vous et vos pareils pour la prolongation de la guerre, ou pour l’établissement des rois ; mais elle décerne des couronnes civiques aux hommes qui se battent de bonne foi pour la liberté, et savent sans regret mourir pour elle. Mais revenons. N’avez-vous pas eu avec l’Angleterre une correspondance qui vous promettait, à une époque déterminée, des secours en hommes, en vivres, en munitions, et surtout une combinaison d’attaque simultanée sur Granville ?

    Talmont. — Oui.

    Rossignol. — D’où vient donc que cette opération a échoué ?

    Talmont. — On avait répandu dans l’armée royale des bruits qui tendaient à déshonorer les chefs, et elle n’a pas donné avec sa chaleur ordinaire. D’ailleurs, l’Angleterre a manqué de parole, ou des causes physiques et locales ont empêché le débarquement.

    Rossignol. — Si l’Angleterre vous a manqué de parole, vous devez être irrité contre ses ministres, et n’ayant plus rien ménager avec eux, vous pourriez, en mourant, rendre service à votre patrie en dévoilant les complots ourdis contre elle.

    Talmont. — Je veux en mourant emporter au tombeau l’estime de tous les partis. Vous n’avez pas sans doute espéré que je me déshonorerais par une bassesse. Amis ou ennemis, les puissances étrangères et nous servions la même cause ; elle triomphera, et je ne veux pas qu’on dise que je ne l’ai pas servie jusqu’à ma dernière heure.

    Rossignol. — Elle triomphera !… Vous ignorez donc les succès de la République ?

    Talmont. — Non, j’ai entendu parler de ses prétendues victoires. Au surplus, la guerre a ses vicissitudes et vous n’ignorez pas, général, que dans soixante-huit combats livrés contre vous, nos armes n’ont pas toujours été malheureuses.