Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/300

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Je partis pour visiter les côtes de Bretagne.

    Rossignol. — Non, je vous le répète, vous avez vaincu quand des généraux perfides vous livraient nos armes et nos munitions. Votre armée n’a pas trouvé parmi nous les mêmes ressources, et vous n’aviez plus de poudre, m’a-t-on dit, lorsque votre colonne s’est dissoute.

    Talmont. — Si j’en avais eu, je ne serais pas ici et il faut avouer que nous n’en avons pas manqué longtemps. La nation nous en fournissait, et c’est ce qu’il y avait de commun entre elle et nous.

    Rossignol. — D’où vient que vous n’êtes pas venu en chercher à Rennes ?

    Talmont. — On n’a pas toujours suivi mes avis dans le conseil. Ma première intention, après avoir passé la Loire avec cent mille hommes, était de marcher sur Paris  ; depuis j’ai eu des projets sur Rennes et le reste de la Bretagne  ; mais des paysans, jaloux de retourner dans la Vendée, dégoûtés de courses et de fatigues, ont dicté impérieusement nos démarches et précipité notre ruine en hâtant la leur.

    Rossignol. — Voilà donc où ont abouti tant de dévastations, tant de pillages, tant d’assassinats, tant de convulsions du fanatisme  ?

    Talmont. — On nous accuse de fanatisme et c’est à tort. Nous n’avons jamais eu dans nos armées d’autres pratiques que celles de nos pères  : et quant aux malheurs que cette guerre a entraînés ce n’est pas à la République à s’en plaindre  ; elle les a nécessités en portant le fer et le feu dans nos possessions, en fusillant nos prisonniers, en égorgeant nos malades. Nous nous battions avec fureur mais avec loyauté, et celui de nous qui, dans l’action, se livrait à la destruction avec le plus de force n’eût pas touché un seul soldat patriote le lendemain du combat  ; vos prisonniers de Saint-Florent attesteront à jamais cette vérité  ; mais les nôtres…

    Rossignol. — La République ne traite point d’égal à égal avec des rebelles  ; et l’opinion de la France entière s’élèverait contre toute disposition de paix et de conciliation.

    Talmont. — L’opinion… L’accueil qu’on nous a fait partout prouve qu’elle était en notre faveur. L’opinion… ah  ! si j’étais seul avec chacun de vous, peut-être votre langage serait-il bien différent.

    Rossignol. — Vous ne connaissez pas les amis de l’égalité  :