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rage sanguinaire et l’homicide enthousiasme dont elle enivre ses apôtres ; ce n’est pas égorger, immoler ses adeptes, et diriger contre eux toutes les foudres dont elle les armoit. Écraser une secte c’est l’attaquer dans ses écoles mêmes, dissiper ses prestiges, mettre au jour l’absurdité de ses principes, l’atrocité de ses moyens, et sur-tout la scélératesse de ses maîtres. Oui, anéantissez le Jacobin, mais laissez vivre l’homme. La secte est toute entière dans ses opinions ; elle n’existe plus, elle est doublement écrasée, quand ses disciples l’abandonnent pour se rendre aux principes de la raison et de la société.

La secte est monstrueuse, mais ses disciples ne sont pas tous des monstres. Les soins mêmes qu’elle prenoit pour cacher au grand nombre ses derniers projets, les précautions extrêmes dont elle usoit pour ne les révéler qu’aux élus de ses élus, nous démontrent assez combien elle craignoit de se voir sans moyens et sans force, et d’être abandonnée par la multitude de ses disciples, s’ils venoient à pénétrer dans toute l’horreur de ses mystères. Je n’en ai pas douté un seul instant : quelque dépravation qui régnât parmi les Jacobins, la plus grande partie auroit abandonné la secte, s’ils avoient su prévoir à quel terme et par quels moyens on vouloit les conduire. Et ce peuple François sur-tout, comment eût-il suivi de pareils chefs, s’il eût été possible alors de lui dire et de lui faire entendre : Voilà les projets de vos chefs ; jusqu’où