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Conspiration des Sophistes

parce que, dans son enthousiasme pour le chaos de ses idées, il aimoit mieux se bâtir des chimères et se forger lui-même ses mystères, que soumettre sa foi au Dieu de l’Évangile.

Un grand nombre d’adeptes furent dans la suite entraînés dans cette conspiration. La plupart n’y entrèrent qu’en qualité d’admirateurs stupides ou d’agens secondaires. Voltaire en fut le chef ; d’Alembert, l’agent le plus rusé, Frédéric, le protecteur et souvent le conseil ; Diderot, l’enfant perdu.

Le premier de ces conspirateursVoltaire., Marie-François Arouet, étoit né à Paris le 20 Février 1694 ; fils d’un ancien Notaire au Châtelet, la vanité changea son nom en celui de Voltaire, qu’il trouva plus noble, plus sonore, mieux fait pour soutenir la réputation à laquelle il visoit. Nul homme en effet n’avoit encore paru avec tant de talens et avec tant d’ardeur pour dominer dans l’empire des Lettres. La gravité des mœurs, l’esprit de méditation, le génie des discussions et des profondes recherches, malheureusement ne furent pas au nombre de ces dons que la nature lui avoit départis. Plus malheureusement encore il trouva dans son cœur toutes les passions qui rendent les talens nuisibles. Dès sa tendre jeunesse l’usage qu’il en fit, annonça qu’il les tourneroit tous contre la religion.

Voltaire étoit encore simple étudiant de Rhétorique au collège de Louis-le-Grand, et déjà il avoit mérité de s’entendre dire par le Jésuite Le Jay, son professeur : Malheureux ! tu seras le Porte-étendard de l’impiété. (Vie de Volt. édit. de Kell, et Dict. hist. de Feller.) Jamais oracle ne fut accompli plus littéralement.

À peine sorti du collège, Voltaire ne vit plus, n’aima plus que la société des hommes qui pouvoient fortifier ses penchans à l’incrédulité, par la corruption des mœurs. Il vécut sur-tout dans celle de Chaulieu, l’Anacréon du jour, le Poëte