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de l’Impiété. Chap. I.

maître, avoit aussi écrit que la religion chrétienne ne portoit que des herbes venimeuses ; (143, Lett. à Volt, an 1766) et Voltaire l’avoit félicité d’avoir, par-dessus tous les Princes, l’ame assez forte, le coup d’œil assez juste, et d’être assez instruit pour savoir que depuis dix-sept cents ans la secte chrétienne n’avoit jamais fait que du mal. (Lettre du 5 Avril 1767.) On ne s’attendoit pas qu’avec le coup d’œil si juste, un Roi si philosophe se trouvât obligé de combattre dans les autres ce qu’il croyoit avoir si bien vu lui-même. Qu’on lise cependant ce qu’il oppose aux mêmes assertions, quand il réfute le système de la nature. « On pourroit, nous dit-il, accuser l’auteur de sécheresse d’esprit et surtout de maladresse, parce qu’il calomnie la religion chrétienne, en lui imputant des défauts qu’elle na pas. Comment peut-il dire avec vérité, continue Frédéric, que cette religion est cause de tous les malheurs du genre humain ? Pour s’exprimer avec justesse, il auroit fallu dire simplement, que l’ambition et l’intérêt des hommes se servoient de cette religion pour troubler le monde et contenter les passions. Que peut-on reprendre de bonne foi dans la morale contenue dans le Décalogue ? N’y eût-il dans l’Évangile que ce seul précepte : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse, on seroit obligé de convenir que ce peu de mots renferme toute la quintessence de la morale. Et le pardon des offenses, et la charité, et l’humanité ne furent-elles pas prêchées par Jésus, dans son excellent sermon de la montagne ? etc. » (Voy. Examen du systême de la nature, par Frédéric, Roi de Prusse, Janvier 1770.)

Quand Frédéric écrivoit ces paroles, il n’avoit donc plus le coup d’œil assez juste pour voir que cette religion ne peut produire que de l’ivroie, et n’a fait que du mal. Mais par une