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de l’Impiété. Chap. I.

pour Voltaire, et dans son impiété quelquefois pire encore que celle de son maître.

En faveur des hommages et du zèle de Frédéric, Voltaire crut devoir oublier tous ses caprices, tous les désagrémens qu’il en avoit reçus à Berlin, et jusqu’à ces coups de bâton que le sophiste despote lui avoit envoyés à Francfort, par un de ses majors. Il étoit trop intéressant pour la secte d’avoir dans ses complots tout l’appui d’un adepte souverain. Nous verrons à quel point Frédéric les seconda ; mais pour sentir combien la haine qui dicta ses complots, étoit commune à Frédéric et à Voltaire, il faut savoir de quels obstacles elle sut triompher dans l’un et dans l’autre ; il faut entendre Voltaire lui-même sur ce qu’il avoit eu à souffrir à Berlin. À peine y avoit-il passé quelques années, qu’il écrivit Mad. Denis, sa nièce et la confidente de ses secrets : « La Métrie dans ses préfaces vante son extrême félicité d’être auprès d’un grand Roi, qui lui lit quelquefois ses vers, et en secret il pleure avec moi ? il voudroit s’en retourner à pied : mais moi, pourquoi suis-je ici ? Je vais bien vous étonner : Ce La Métrie est un homme sans conséquence, qui cause familièrement avec le Roi après la lecture. Il me parle avec confiance. Il m’a juré qu’en parlant au Roi ces jours passés de ma prétendue faveur et de la jalousie qu’elle excite, le Roi lui avoit répondu : j’aurai besoin de lui encore un an tout au plus. On presse l’orange et on jette l’écorce. Je me suis fait répéter ces douces paroles ; j’ai redoublé mes interrogations, et il a redoublé ses sermens… J’ai fait ce que j’ai cru pour ne pas croire La Métrie. Je ne sais pourtant. En relisant ses vers, (du Roi) je suis tombé sur une épître à un peintre nommé Père, qui est à lui ; en voici les premiers vers :