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Lundi, 15 mai.

Je cheminais, il y a une dizaine de jours, tout doucement, dans la rue St-Denis, — la rue St-Denis, vous savez, c’est le grand boulevard de Montréal, — quand j’aperçus tout à coup, à deux pas devant moi, luisant et neuf, un fer de cheval que le sabot d’un coursier vigoureux venait, sans doute, de lancer sur le trottoir.

Croiriez-vous que j’ai passé outre, sans accorder un regard à ce morceau d’acier gisant devant moi ? Croiriez-vous que, dédaigneuse et fière, j’ai repoussé du pied ce léger obstacle qui se trouvait sur mon passage ?

C’est qu’alors vous ignoreriez, toute la vertu occulte qu’il y a dans une trouvaille comme celle-là.

Trouver un fer à cheval ! — et tout le monde à la campagne peut vous l’apprendre, — c’est ce qui eut vous survenir de plus chanceux. C’est comme si la fortune elle-même, interrompant sa course vagabonde, s’était laissée choir sur votre passage.

Or, élevée au sein des plus vieilles traditions, des antiques coutumes, je n’ai pas manqué de m’imprégner un peu de l’atmosphère superstitieuse où j’ai grandi.

De telles croyances, pas trop n’en faut, mais pourtant quelques légères teintes ? bah !

Cela amuse et aide à charmer la vie qui n’est pas elle-même, parfois, des plus attrayantes, la pauvre ! Cependant, ne nous chicanons pas avec elle, nous lui devons de bons moments de temps à autre, ne l’oublions pas.

Mais, pour revenir à mon sujet, mes superstitions à moi ne sont pas dangereuses, ni bien sombres non plus.

Je me contente simplement des présages qui peuvent être de bon augure, éliminant soigneusement tout ce qui se pourrait interpréter comme signe de malechance.

Les rêves dorés de mon sommeil me mettent en gaieté tout le jour, et j’oublie les cauchemars après mes premières ablutions matinales.

Tout à fait disposée donc à ne rien négliger qui pût