Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/149

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Quand et où ai-je lu cette histoire ? Je ne me le rappelle pas. Il m’en échappe bien des détails, ainsi que le nom de l’auteur et le titre du livre lui-même. Mais tout enfant que j’étais alors, il me resta de cette aventure un souvenir si fort, si vivace que je le retrouve encore tout frais dans mon esprit.

Qu’une Madeleine de Repentigny ait existé, cela ne saurait faire aucun doute ; les registres du cloître en font foi et disent, de plus, qu’elle laissa une certaine somme d’argent destinée à l’entretien perpétuel d’une lampe comme elle en avait fait le vœu.

Quand j’allai aux Ursulines, j’éprouvai un plaisir indicible en songeant que j’allais y voir les traces du passage de mon héroïne.

Et lorsque, pour la première fois, j’entrai avec mes compagnes dans la chapelle du cloître, lorsque, promenant mes regards sur les murs blanchis à la chaux, les vieux tableaux d’un autre siècle qui les ornent, ces hautes et imposantes stalles où psalmodient d’une voix grave et solennelle les filles d’Angèle de Mérici, je ne pus me défendre d’un sentiment d’émotion profonde.

Tout devant la grille du sanctuaire brûlait la lampe du tabernacle, mais plus haut, dans la pénombre d’un grand jubé, vis-à-vis l’autel de Notre-Dame du Grand Pouvoir, j’aperçus une petite flamme qui brillait doucement. Je me dis en la regardant si belle et si claire :

La voilà donc enfin, la chère petite lumière qui ne s’éteint jamais.

Je ne m’étais pas trompée.

Et chaque fois que le règlement de la communauté nous réunissait au saint lieu, c’était un plaisir pour moi de retrouver ma vieille amie, de lui parler et de deviner ce que pourrait me dire sa lueur mystique.

Je chérissais son histoire et la gardais avec un soin jaloux, depuis le jour où j’avais confié le roman de mademoiselle de Repentigny à ma maîtresse de littérature, qui l’accueillit avec un haussement d’épaules et un sourire d’incrédulité.