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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/159

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Près de la fenêtre, dont les persiennes fermées adoucissent la lumière trop crue du soleil, un bon fauteuil est installé ; à la portée de la main, une petite table où sont jetés quelques livres, les dernières revues, et, dans un vase de porcelaine antique, des roses sauvages répandant par tous les coins de la chambre leurs parfums grisants.

Ma vieille amie, me désignant d’un geste le fauteuil capitonné, me dit de sa voix douce et sympathique :

— Reposez-vous, ma chère enfant.

Puis, elle disparut refermant discrètement la porte derrière elle.

Dans les fantaisistes envolées de mon imagination, j’avais à peine osé rêver un repos si parfait dans une plus charmante retraite.

— Je vous donnerai de la campagne tout ce qu’elle peut donner, m’avait dit cette fée bienfaisante à la chevelure argentée, l’œil noir luisant si doux, si bon, sous le verre de ses lunettes.

Elle avait tenu parole.

Je ne voyais rien autour de moi pour me rappeler la ville, ses maisons décorées comme des bazars, sa poussière noirâtre de bitume et d’asphalte, ce mouvement incessant qui donne le vertige ; rien qu’une simplicité primitive, des fleurs, de la verdure et la mer bleue, — fleuve, rivière ou lac ? — qui là-bas souriait au soleil s’y mirant radieux.

C’est d’un endroit comme celui-là que l’on pourrait s’écrier avec Virgile : Qu’on est heureux par ici ! Comme il ferait bon vivre toujours en ces lieux exquis et fortunés !

Ah ! les bonnes heures que j’y ai passées ! les délicieuses rêveries faites, les yeux grands ouverts, sur toutes ces beautés. Les nerfs se détendaient, le cerveau ne forgeait plus et les tempes, ses enclumes, se soulevaient à peine sur les artères endormies. La pensée n’était pas morte cependant, mais elle aussi prenait son repos ;