Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/163

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cette atmosphère pure et calme, on goûte doucement des joies intimes qu’on ne saurait traduire. Le soleil levant dissipait les brumes du matin, en baignant le sommet des montagnes d’une teinte rosée, la petite rivière coulait silencieusement entre ses rives abruptes, et, sur toutes ces choses, ces blés mûrissants, ces maisons rustiques surgissant dans les plis du terrain, planait je ne sais quoi de grand, de bon qui parlait à l’âme…

Nulle part ailleurs qu’à la Malbaie, les enfants du sol n’ont conservé autant de simplicité naïve dans leurs idées, de rusticité dans leurs manières.

Les étrangers qui y affluent tous les ans n’ont influencé en rien leurs dispositions primitives : les montagnes les préservent du souffle d’une civilisation trop raffinée.

Rien de plus typique que les habitants de la côte nord : langage, habitudes, manières, tout y est caractéristique.

Les études de mœurs prises sur le vif y sont donc très amusantes.

Chaque paysan forme un type à part, intéressant à observer, et je regrette de ne pouvoir parler longuement de Marie Gonzague, entre autres, qui tire aux cartes et qui se donne l’absolution « aussi bien que le curé » dit-elle ; des filles Belleville, deux vieilles harpies, aussi délabrées que leur masure, qui se servent de la croix de tempérance pour régler leurs différends avec leurs voisins ; pardessus tous les types, la mère Barrette dont je vous ai déjà parlé l’an dernier, et que je retrouvai cet été occupée sur le perron de sa cahute à croquer des pois secs, avec une désinvolture sans pareille.

Nous nous sommes revues avec tout le plaisir qu’il convient à d’anciennes connaissances.

— Eh ben, oui, dit la mère Barrette, j’sus-t-encore assez vigoureuse malgré mes quatre-vingt-un ans ; mon bonhomme à quatre-vingt-trois lui, et v’la cinquante-sept ans, vienne l’mois des récoltes, que j’sont mariés.

Croyant découvrir quelque idylle rustique comme on aime tant à en entendre quelquefois, j’essayai d’amener