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petite porte de côté que je croyais sur la rue. Je me trouvai dans un long couloir, au bout duquel je vis paraître madame Patti, accompagnée de sa camériste et de quelques artistes, qui s’en retournait à son hôtel. Je me rangeai pour la laisser passer, et, me voyant là, seul, un peu embarrassé, elle crut sans doute que la curiosité m’avait attiré dans cet endroit, et, me regardant avec bonté, elle sourit doucement…

Ce sourire-là avait illuminé ses jours mornes et désolés.

Vingt fois il me répéta cet épisode de sa vie, et, sa figure revêtait alors une expression respectueuse qui montrait comme ce souvenir lui était devenu sacré.

Un jour, il m’apporta son album presque entièrement rempli de photographies de la diva, la représentant dans la plupart des opéras où elle avait chanté.

J’ai su aussi qu’un peintre, ayant fixé sur sa toile un portrait qu’un disait très ressemblant de la Patti, ce fidèle admirateur avait l’habitude de se rendre à l’atelier du maître, malgré la grande distance, pour contempler longuement les traits charmants de cette femme dont il était si étrangement épris.

Hélas ! la mort est venue le surprendre avant qu’il ait pu entendre encore une fois le chant du rossignol.

Et je songeais, en écoutant cette voix merveilleuse, que de toutes les sympathies qu’elle avait excitées dans le cours de sa glorieuse carrière, elle n’en avait pas recueilli de plus respectueuse, de plus désintéressée et de plus véritablement dévouée que celle de cet admirateur qui devait lui rester à jamais inconnu.


Lundi, 12 mars.

Ces jours derniers, un concitoyen, de langue anglaise, écrivait au directeur de ce journal, une lettre que je me