Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/204

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N’importe, faisons-en toujours. Et espérons. L’attente sera ainsi charmée par l’espérance : elle diminuera la longueur des heures ; et, un philosophe n’at-il pas trouvé que l’espoir valait mieux que la possession ?

Oui, je le crois sincèrement : « Il y a de quoi faire beaucoup d’heureux avec le bonheur qui se perd en ce monde. »

Cette pensée mérite de devenir un axiome.

— La vie est si dure ! disent quelques-uns.

N’exagérons-nous pas parfois nos misères et nos ennuis ?

Je le sais, pour quelques-uns, « la vie, selon l’expression de Chateaubriand, leur a été jetée au cou comme une chaîne » ; ce ne sont plus les contrariétés de chaque jour qu’ils ont à supporter, mais des malheurs irréparables brisant subitement le plus bel avenir. Heureusement, ces désolations profondes ne surviennent pas à tous, et, celles-là, ont cette pudique réserve des grandes douleurs : elles sont muettes.

Tant d’autres, à la plus légère épreuve, soupirent et crient leur peine à tous les échos.

Combien plus encore finissent par croire qu’ils sont les plus malheureux du monde, et, ne veulent pas être consolés ?

Combien traînent leur boulet, au lieu de le porter courageusement ?

Ah ! pourquoi s’appesantir sur les ennuis quotidiens et laisser se faner, sans les cueillir, les humbles fleurs qui surgissent à travers les épines ?

Ces fleurs sont quelques paroles d’amitié, un rayon de soleil plus beau, un parfum qu’apporte la brise… moins encore, un sourire, un regard il faut recueillir tout, comme l’herbe assoiffée boit avidement la rosée mati-