Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/271

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La proposition de la blonde enfant fut très bien accueillie, car la majorité se dirigea vers le deuxième étage, lady Aberdeen en ayant d’ailleurs elle-même donné l’exemple.

Notre gouvernante avait revêtu le costume d’ambulancière, lequel, par parenthèse, lui seyait à ravir, détail qui n’est pas d’un mince intérêt, quand on est femme ; et elle distribuait très aimablement à manger à tout le monde.

Un vieux, tout cassé par l’âge et les infirmités, reçut pour sa part une succulente aile de poulet, qu’il se mit en devoir d’absorber immédiatement.

— C’est lady Aberdeen, la femme du gouverneur-général, qui vous sert, lui cria-t-on. Quel honneur ! n’est-ce pas ?

— C’est du rare en effette, répondit le vieux, toujours très occupé avec son assiette, mais cela me donne pas du sel et du poivre pour manger avec ma viande !

Quel démocrate, en vérité !

— Venez voir mon protégé syrien, me dit une charmante jeune fille, en m’entraînant dans un coin de la grande salle.

Je m’empressai de suivre mon gracieux cicerone, ayant, je le confesse, toujours eu des sympathies prononcées pour la Syrie, depuis l’expédition du beau Dunois dans ces parages lointains.

Pauvre Syrien ! il s’éteint lentement dans son petit lit blanc d’hôpital, miné par la phtisie qui met un cercle de bistre noir autour de ses grands yeux bruns.

Il se meurt, le sang glacé par nos froides bises, loin de son pays ensoleillé, songeant, avec quels déchirements, hélas ! à ceux qu’il a laissés là-bas, à l’ombre des palmiers berceurs.

Que d’infirmités, que de souffrances, mon Dieu ! dans ces salles d’hôpital ! Et que de dévouement pour soigner et consoler toutes ces misères !

Comme la douleur y semble ingénieuse pour torturer et faire souffrir !