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Louisbourg avait vécu, et avec elle s’en allait une des plus belles possessions françaises en Amérique.

Depuis sa fondation, la France s’était efforcée, par tous les moyens possibles, de rendre cette colonie inattaquable ; les ruines, qu’on y voit encore, attestent d’ailleurs son importance et les immenses travaux qui y ont été faits. Des millions ont été dépensés pour l’embellir et la fortifier.

Et jamais on ne pouvait choisir d’endroit plus propice. La nature a tout fait pour Louisbourg ; l’océan, qui baigne ses bords, forme, en s’avançant dans les terres, un port de mer splendide où les plus gros navires peuvent entrer voiles déployées et y trouver un abri contre les plus affreuses tempêtes.

À l’entrée du havre, se trouvent ces trois petites îles, dont je vous ai déjà parlé, et qui devaient protéger la ville contre toute surprise.

La pêche y était féconde, le sol d’une grande richesse ; les colons pouvaient donc se créer des ressources très avantageuses. Sa perte fût un deuil pour la mère-patrie.

Après la reddition de la ville, la garnison, soldats et officiers, les habitants, pêcheurs ou laboureurs, moines et religieuses, tout ce qui portait le nom français, en un mot, fut transporté en France et, la rancune des vainqueurs s’acharnant encore sur leur proie, on s’appliqua pendant des années à démolir les fortifications, les magasins. les habitations, pour que, selon l’expression de l’irascible Pitt, « Louisbourg disparût du monde, et que rien ne pût indiquer aux générations futures qu’il avait un jour existé. »

Wolfe lui-même, après la prise de Québec, envoya des ouvriers qui n’eurent d’autre mission que de tout détruire et de ne laisser « pierre sur pierre. »

Tout fut mis à réquisition pour cette œuvre de vandales : le feu, la poudre, le pic et la pioche, et il a fallu que ce « Dunkerque de l’Amérique » soit en effet une place extraordinaire pour que les efforts de ses conquérants, et