Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/32

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deux, le poil toujours noyé de sueurs, une épaisse buée les enveloppant, et l’aspect si misérable que vous éprouvez comme un remords, d’ajouter le poids de votre personne au fardeau déjà trop lourd qu’ils traînent derrière eux.

Mercredi dernier, jour des Rois, je prenais le tramway de la rue Saint-Denis. La foule revenait de la grand’messe à Notre-Dame et commençait à remplir l’omnibus.

Malgré les proportions modestes du véhicule, tous ceux qui ont voulu entrer ont été acceptés. Je crois qu’on aurait volontiers essayé d’y loger Notre-Dame, et nous étions tous là, empilés les uns sur les autres, assis, debout, suspendus aux lanières de cuir, accrochés partout, garnissant tous les espaces possibles et impossibles.

All right ! cria le conducteur en tirant sur le cordon de la clochette.

On entend au dehors le claquement strident du fouet qui s’abat, puis, un silence.

Rien ne bougeait.

All right ! cria de nouveau le conducteur qui feint de croire que le signal du départ n’a pas été entendu.

Mais il s’agit bien de cela. Les rues, mi-glace, mi-asphalte, sont impraticables et les chevaux, — deux seulement — misérables spécimens de l’espèce, efflanqués, rompus, fourbus, mal ferrés, après de pénibles efforts sont incapables d’enlever la voiture.

Rien n’y fait, ni les coups de fouet qu’on ne leur ménage pas, ni les cris de l’automédon, et nous y serions probablement encore, si plusieurs passagers n’eussent pris le parti le plus sage, celui de descendre et de soulager ainsi le char qui commença alors à glisser, en grattant péniblement le pavé.

Quel trajet ! Lentement, comme défilerait un cor-