Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/52

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est revenue une foule de souvenirs qui sommeillaient, eux aussi, sous la poussière du temps.

On agit d’une main qui semble sacrilège. Il faut ouvrir le tiroirs, exposer au grand jour ce qui reposait là, sous clef, protégé contre les regards indiscrets des curieux ou des indifférents ; il faut en retirer, un à un, les chers objets, et, pour se défendre des encombrements, distinguer dans l’ensemble les inutilités que l’on jettera au feu.

Les inutilités ? Il n’y a rien autre, si ce n’est la correspondance intime, douillettement enveloppée et reposant silencieuse dans les cases réservées d’un secrétaire. Les feuilles qui la composent tiennent toujours au cœur. Quelques-unes des lettres qui y figurent ont été écrites par une main, hélas ! déjà froide. Celles-là, oh ! celles-là, on les conserve éternellement, car, ce sont les reliques sacrées de la sainte amitié.

Mais il faut pourtant déchirer, retrancher : on coupe, on déchire, en détournant les yeux pour ne pas voir ces débris qui font mal.

Les grandes voitures sont arrivées. Un à un on emporte les meubles ; les lustres, les grands tableaux s’entassent au hasard. Ce qui paraissait joli, coquet, dans le salon bien rangé, avec ses draperies, ses objets d’art, paraît informe, laid, dans cet affreux désordre, exposé à la crudité de la lumière du jour, sous les rayons du soleil, qui le pénètrent au travers des myriades d’atomes de poussière dansant, tenus, en interminables évolutions.

La tristesse envahit tout alors. Elle monte de l’âme et se répand dans l’être entier.

Il semble qu’on ne saura jamais ramener l’ordre dans ce chaos sans nom, parmi cette confusion d’objets qui ont momentanément perdu leur valeur en des promiscuités compromettantes : la cuisine coudoyant le salon, les riches portières frôlant les vieux linges.