Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/53

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Tout cela part enfin, croisant dans l’escalier l’ameublement qui, avec ses tracas et ses troubles lui aussi, vient reprendre la place à peine vide.

À la hâte, on fait une dernière visite, à travers les pièces désertes qui ont vécu de la vie des partants, auxquelles on a communiqué un peu de soi-même : témoins discrets des jeux, des joies, des tristes ou des heureux jours.

« L’homme s’attache à tout, dit Alphonse Daudet, même aux choses, même aux pierres… »

Et Lamartine s’écrie, dans un élan de sympathie pour la vieille maison de Milly :

Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?

C’est être naïf que de s’attacher ainsi à tout, mais que voulez-vous ? Pour remédier à cela, il faudrait refaire la grande machine humaine, et qui sait si l’on gagnerait beaucoup au changement.

En attendant il faut partir. Ce n’est plus le moment de s’attarder.

Déjà les successeurs ont envahi le logement et on évite ces figures inconnues, qui, dans leur hâte curieuse, fouillent partout et ne comprennent rien aux regrets qu’on laisse échapper.

Le jour, d’ailleurs, touche à sa fin. Harassé, brisé, courbaturé, il faut gagner le nouveau logis où rien ne dit rien, où l’on croit ne pouvoir s’acclimater jamais.

Mille pressentiments sombres envahissent l’esprit et la défaillance s’empare de l’âme…

La nuit, tous les objets empilés revêtent une forme singulière. Dans le demi-sommeil qui suit ces heures d’agitation, ils ressemblent à des fantômes et prennent des voix pour se plaindre…

Bonnes gens, qui déménagez, tout n’est pas dit encore : Vous pensez changer votre logis pour un plus beau, plus