Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/72

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en juge par la quantité d’histoires à sensation qui se débitent, et par le nombre incalculable des acheteurs.

Seulement, les cervelles humaines tiennent lieu de machines et sont mises en opération le jour comme la nuit.

Une romancière américaine a récemment révélé, devant le tribunal de Philadelphie, les moyens dont elle et ses congénères se servent, pour se procurer une énorme quantité de romans qu’elles signent ensuite de leur nom, afin de donner la vogue et en retirer les gains de vente qu’elles convoitent.

Elles ont établi, quoi ?

Ni plus ni moins qu’une fabrique de romans, où l’on emploie de pauvres femmes que quelques dollars, — le mighty dollar — dédommagent maigrement du plus ingrat et du plus ardu de tous les labeurs.

Et pour un si mince profit, elles sont tenues de fournir un roman complet sur tel et tel sujet qu’on leur indique.

Par contre, on leur permet d’emprunter où elles voudront les menus détails du dialogue et de l’intrigue.

Quand on songe au travail incessant de ces manœuvres, à l’état de surexcitation intense qu’elles ont à subir, on ne peut s’empêcher de s’apitoyer sur leur triste sort.

Un roman par semaine ! Mais cela semble fabuleux.

Combien de temps leur cerveau résistera-t-il à ce surchauffage de l’imagination ? Les rouages mis en perpétuel mouvement s’useront avant l’âge, et la plupart d’entre elles iront finir le roman dans un cabanon de folles.

Triste et douloureuse perspective.

On affirme que des auteurs parisiens ne dédaignent pas de recourir aux moyens dont je viens de parler et,