Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/80

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honneur à une plus haute vocation, le monsieur Macaroni détache, à l’aide d’un couteau et d’un petit maillet, des morceaux qu’il dispose d’avance en petits paquets, après les avoir préalablement pesés dans une minuscule balance.

Ce qui me charme encore dans toute cette affaire, c’est qu’il fait la besogne avec une délicatesse louable, sans y toucher seulement du doigt. Et ceci n’est pas une mince considération, quand on songe que ces gens-là ne forment généralement pas la clientèle d’un manicure et que pour employer une expression connue : ils ont des rapports très tendus avec l’eau et le savon. Toutes ces observations ne sont pas, comme on serait tenté de le croire, le fruit de mes nombreuses visites à leur étalage.

Non, mais si je m’en suis abstenue, je confesse humblement que ce n’est pas l’envie qui me manquait. C’est que, voyez-vous, à ma gourmandise se mêle une pointe d’amour-propre ; l’endroit est trop en vue, la foule trop nombreuse et j’ai honte.

Ah ! si j’avais seulement le tiers de ma grandeur ! pardon je veux dire ma hauteur.

Une bonne fois tout de même je n’ai pu résister à la tentation qui m’aiguillonnait plus fort qu’à l’ordinaire, — c’était à l’époque où ce remarquable produit combinait les trois couleurs — et je fis un compromis entre ma dignité et ma gourmandise.

J’avisai un petit bonhomme qui musait dans la rue et lui désignant d’un geste l’objet de ma convoitise :

— Tu vois cela, dis-je, eh ! bien, prends ces dix sous et va m’en acheter. Nous partagerons ensuite.

Que croyez-vous qu’il fit ! Il alla chercher le bonbon et pendant que je me délectais par anticipation, le petit démon se sauvait en faisant la nique.

Fiez-vous aux hommes petits et grands !