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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/81

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Il y avait dans la rue St-Laurent, dans l’enfoncement d’une petite ruelle, un débitant de nougats. Je n’ai jamais passé devant lui sans le voir la bouche pleine. Et de fait, je crois qu’il était à la fois vendeur et consommateur.

À force de manger, il est venu, je suppose, à épuiser toute sa marchandise et comme la caisse devait s’en ressentir, il a jugé prudent de changer de genre de commerce. Ces jours derniers, il étalait modestement des bretelles et autres menus articles de toilette pour messieurs.

Par un reste d’habitude, il mâchonnait mélancoliquement un bouton de manchette.

Les négociants de crème à la glace sont aussi des personnages durant la saison d’été.

Les petits gamins leur font une cour assidue, et celui qui est installé au bas de la côte St-Lambert me semble avoir une fameuse clientèle.

Pour un sou, il donne de la crème plein un coquetier et faut voir avec quelles délices les habitués savourent ce mets délicat.

Leur méthode de dégustation est très simplifiée. D’abord, ils commencent par promener leur langue tout autour du coquetier, puis ils la creusent en forme de cuillère. et avec une dextérité qu’on ne saurait trop admirer, le contenu disparaît dans leurs jeunes œsophages et le contenant, — toujours à l’aide de la langue devenue lavette après l’ingurgitation, — est nettoyé à l’intérieur et à l’extérieur aussi proprement que pourrait le faire le cureur de vaisselle au Windsor.

Un soir de l’hiver dernier, alors que nous revenions d’une réunion intime, j’aperçus, sur les onze heures, coin des rues St-Laurent et Ste-Catherine, un chariot de dimensions assez grandes, garni de fourneaux à travers lesquels des charbons ardents brillaient avec des lueurs