Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/9

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uns ne s’y rendent qu’à leur corps défendant, plutôt conduits que conduisant, par un essaim de rieuses fillettes dont les insinuations, plus transparentes que délicates, ont eu raison des récalcitrants.

Puis les couples qui s’en viennent deux à deux choisir leur petite table : celle-ci ? Non, l’autre, plus au fond, dans la pénombre projetée par les sapins, garantissant des regards curieux et des oreilles indiscrètes.

Laissons-les. Ils commandent tout, ne touchent à rien, et paient royalement ; c’est avec ceux-là que la recette s’élèvera plus rapidement. Ce sont eux, je vous le dis, qui bâtiront la cathédrale Saint-Pierre et le monument national.


Lundi, 19 octobre.

Moi, je suis curieuse.

Il s’en trouve qui n’aiment point à avouer ces petites choses-là, mais, ça m’est bien égal. Je crois qu’il vaut encore mieux le reconnaître soi-même et courir la chance d’être poliment contredite, qu’attendre qu’on vienne vous en accuser, car, alors, ce n’est plus la même chose, ah ! non, plus la même chose du tout.

Toujours est-il que j’avais une envie furieuse de voir de près cette petite guérisseuse de Ste-Cunégonde, dont les journaux ont tant parlé, et qui semble trouver tant de sympathie, chez nos bons Québecquois. Justement, je rencontre, il y a quelques jours, une mienne amie, que, pour rendre mon récit plus intelligible, nous nommerons Constance :

— Françoise, me dit-elle, veux-tu venir avec moi, chez l’enfant prodige de Ste-Cunégonde ? Je souffre depuis huit jours d’un vilain accès de dyspepsie, et j’aime encore mieux essayer la guérisseuse que la diète ; c’est ma seule alternative.

— Volontiers, ma chère, répondis-je magnanimement.