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Oui, on passe de beaux jours çà Sainte-Marie de Beauce. Quand tout est jouissance pour l’esprit et le cœur, quand la campagne est belle et qu’une franche amitié vous convie à son foyer, comment ne pas remporter de ces haltes, dans le pénible voyage de la vie, le meilleur et le plus constant des souvenirs. Et vous savez qu’

Un souvenir heureux est peut-être sur la terre
Plus vrai que le bonheur.

Lundi, 3 octobre.

Je pense qu’il n’est pas de contre-temps plus fâcheux pour un écrivain ou une chroniqueuse que de perdre ses manuscrits.

Il m’était déjà arrivé de voir quelqu’un dans cet embarras, et, tout en me chagrinant de son ennui, tout en unissant mes recherches aux siennes, je m’imaginais que rien n’était plus facile que de reconstituer les feuillets égarés en les recopiant de mémoire. Aujourd’hui, je ne tiendrais plus ce langage : il n’y a rien comme la dure expérience pour faire juger sainement des choses.

Dieu sait où est allé choir ma dernière chronique, et, quand, après avoir remué, dérangé, fouillé partout, j’ai essayé de raconter de nouveau ce que j’y avais écrit, ça n’était plus ça, oh ! mais pas du tout. En l’écrivant la première fois, je vous avouerai que rien dans le style et la manière de raconter mon histoire ne m’avait particulièrement frappée : maintenant que la copie n’est plus là devant moi, il me semble avoir écrit quelque chose de très joli, presqu’un petit chef-d’œuvre, quoi !