Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/92

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Comme notre misère est toujours relative en ce monde, je me consolai de mon malheur, en pensant qu’il n’est pas aussi irréparable que celui qui arriva à un auteur dont je ne me rappelle plus le nom.

Comme notre savant venait de terminer le manuscrit d’un livre qui lui avait coûté maintes recherches et maintes sueurs, il crut devoir se reposer un peu en allant faire une petite promenade à la campagne.

Pendant son absence, la bonne, prise d’un excès de zèle subit, entreprit un grand ménage dans le cabinet d’études de son maître et fit bon marché des notes et des ratures qu’elle y trouva.

Elle se donna même, comme elle l’avoua plus tard, bien du mal pour séparer le papier barbouillé de celui qui ne l’était pas ; mais, il ne faut jamais compter sur la gratitude des gens, et, pour toute récompense, le maître, à son retour, lui signifia son congé sans beaucoup de ménagement.

Le pauvre homme dut recommencer son pénible travail et ses longues veilles.

Fit-il mieux ? fit-il pis ? c’est ce que l’histoire ne dit pas, mais, ce dont je suis sûre, c’est que son second ouvrage différait du premier sur plusieurs points.

Plus on mûrit un sujet, plus il devient susceptible de développements.

Sans compter que le temps et l’expérience sont de grands maîtres. Ils instruisent plus que ne le ferait le meilleur professeur à la Sorbonne.

Le temps surtout. Avez-vous remarqué comme il corrige et modifie tout ? les idées, les opinions et jusqu’au goût ?

Rappelons-nous nos antipathies d’enfant : quelques-unes survivent encore, mais le plus grand nombre sont allées rejoindre les neiges d’antan.

Vieillir rend plus sage, du moins, je suis tentée de le