Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/96

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Le ciel était doux, serein comme un ciel d’été ; de légers nuages floconneux comme le duvet, flottaient mollement dans l’espace.

Vous savez quelle belle température nous avons eue vendredi et samedi derniers, alors que nous jouissions du fugitif été de la St Martin, — l’Indian summer des Anglais, — qui est comme le dernier sourire mélancolique et tendre de l’été expirant.

Pendant que des groupes d’hommes étaient occupés à enregistrer leurs paris sur les petits carnets, les femmes — et on les comptait en très grand nombre, — se promettaient entre elles force paire de gants.

Enfin les combattants sont en présence les uns des autres et le signal de la lutte est donné.

Sir Adolphe Caron fait rouler la première boule aux longs applaudissements des gens d’Ottawa, venus pour se réjouir ou s’apitoyer avec les leurs.

La première partie a été gagnée par les Capitals. Grande fut la joie parmi les Ottawaïens, (ça, c’est un mot de mon invention, et je m’en vante ! ) et les vivats, les mouchoirs, les chapeaux se croisèrent au-dessus de leurs têtes.

Ça débutait mal pour les Montréalais, bien qu’il n’y eût pas lieu de désespérer encore.

Malgré moi, je m’intéressais vivement à la lutte et tous mes vœux étaient pour les Shamrocks, qui, en leur qualité de concitoyens et à cause de l’emblème vénéré de leur club, s’étaient attiré toutes mes sympathies.

Ma voisine de droite m’intéressait aussi très-vivement.

D’abord, je n’avais pu m’empêcher d’admirer sa jolie figure, à l’ovale si pur, si gracieux, éclairée par deux grands yeux gris, qui reflétaient son âme.

Dès le commencement de la lutte, elle semblait avoir oublié ceux qui l’entouraient, et son attention tout entière était concentrée sur les jouteurs.