Aller au contenu

Page:Barthélemy, Méry - L’Insurrection, 1830.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pourtant c’est l’heure où le gai carrefour
Tressaille au chant des joyeuses folies,
L’heure où le gaz sous les vitres polies
En vifs éclats doit rallumer le jour.
Le noir pavé se replie en barrière,
Tout carrefour a sa digue de pierre ;
Mille Vaubans, ingénieurs nouveaux,
Ont enlacé la formidable chaîne,
Et la solive aux aiguilles de chêne
Qui briseront le poitrail des chevaux.
Partout des chars renversés sur la roue,
Des tilburys nivelés en créneaux,
Des pieux grossiers que le manœuvre cloue
Au vieux blason qui dore des panneaux,
Aux troncs épais cimentés par la boue.
Au sein des murs Paris a ses remparts ;
Vastes débris ! le souffle populaire
A renversé, sur les frais boulevards,
Le candélabre au pied triangulaire,
Le frais tilleul et l’orme séculaire,
Qui, s’enlaçant par leurs rameaux épars,
Gissent couchés comme l’épi sur l’aire.
C’est une nuit d’insomnie et d’effroi :
Oh ! qui t’a fait ces longues agonies ?
Quel dieu cruel te voue aux gémonies ?
Est-ce un Vandale, ô Paris ? … c’est ton Roi !