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Page:Barth - Œuvres, tome 2.djvu/315

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BULLETIN DE 1899-1902. III

épisodes, celles du second portent souvent, ce qui est plus significatif, sur des rencontres verbales qui impliquent, ou de véritables emprunts, ou la persistance singulière, à travers les adaptations les plus diverses, d’un vieux fond commun.

C’est cette persistance et ce fond commun que M. Windisch s’est attaché à mettre en lumière dans sa belle étude sur Mâra le tentateur[1]. Déjà M. Oldenberg avait signalé dans le Lalitavistara la présence d’une version du Padhânasutta pâli. M. Windisch a repris ce récit de la tentation, en y ajoutant les autres textes pâlis relatifs à Mâra[2] et plusieurs [170] épisodes connexes de la vie du Buddha. Par une analyse minutieuse de chaque morceau, en les comparant avec leurs parallèles dans les livres du Nord Lalitavistara, Mahâvastu, Buddhacarita, il a essayé de les ramener à leur forme primitive et de montrer comment, de ces courts récits, de ceux surtout qui ont la forme de ballades, s’est formée peu à peu la légende du Buddha. Mais ce qu’il a montré surtout, c’est l’étroite parenté de ces morceaux, dérivés chaque fois d’une source commune qui n’est pas notre texte pâli, mais qui n’a pas dû en différer notablement. C’est du moins en faveur de ce texte que décide presque toujours la comparaison[3] ; aussi la conclusion de M. Windisch, qu’il for-

  1. Mâra und Buddha, von Ernst Windisch, Leipzig, 1895, fait partie du t. XV des Abhandlungen de la Société royale des sciences de Saxe, section philologique et historique. — C’est à propos de ce livre que M. Oldenberg a publié dans la Deutsche Rundschau, septembre 1896, son essai sur le personnage de Mâra, Der Satan des Buddhismus, réimprimé depuis dans : Aus Indien und Iran, 1899. Parmi les autres essais de cet élégant volume, je mentionne ici : Die Religion des Veda und der Buddhismus (publié d’abord dans la Deutsche Rundschau, novembre, 1895), où il montre quels courants d’idées s’agitaient autour du berceau du bouddhisme et en éclaire les débuts à l’aide d’un rapprochement ingénieux et que je crois très juste au fond entre l’ordre bouddhique et celui des Pythagoriciens : ensuite, Taine’s Essai über den Buddhismus (lu au Congrès des orientalistes de Paris, 1897), où, tout en rendant hommage à la puissance d’abstraction de Taine et à son incomparable maîtrise à forger ses formules, il n’admet pas avec lui que le bouddhisme, en dernière analyse, s’explique par la compassion. Cela pourrait se soutenir du bouddhisme du mahâyâna ; mais, dans les anciens textes, ce qui domine c’est le sentiment de l’universelle souffrance et l’âpre volonté de s’y soustraire soi-même.
  2. En étudiant la tentation du Buddha, M. Windisch a été naturellement amené à parler de celle du Christ. On sait que feu R. Seydel avait essayé de prouver que le récit de cette dernière, comme la plupart des épisodes de la tradition évangélique, était le résultat d’un emprunt direct. M. Windisch est allé à l’extrême opposé : tout en avouant la très grande ressemblance des deux récits, il les croit absolument indépendants l’un de l’autre. Je n’ose être sur ce point aussi affirmatif que lui. Je note en passant que l’ouvrage de Seydel a été publié récemment en deuxième édition par son fils : Die Buddha-Legende und das Leben Jesu nach den Evangelien. Zweite Auflage. Weimar, 1897.
  3. C’est le résultat auquel ont invariablement abouti jusqu’ici toutes les comparai-