I
LA JOIE DE VIVRE
On est à table. Joyeuse compagnie.
Au moment précis où commence notre histoire, les convives achèvent justement d’étouffer, sous force tamponnement de mouchoirs et de serviettes, les derniers spasmes d’une hilarité qui tout à l’heure devait être homérique.
Il en reste tout de même un peu, car le silence qui a suivi l’explosion, comme l’accalmie après l’orage, est encore d’un instant à l’autre entrecoupé de petits accès de fou-rire convulsifs, involontaires, contagieux, qui repartent de nouveau, en courtes fusées, chaque fois que les convives échangent un regard. « C’est plus fort que moi, » semblent-ils se dire, et ils pouffent de plus belle, à la seule pensée du bon tour qui vient d’être joué.
Dire que toute la compagnie présente a manifesté son contentement avec une égale exubérance serait faillir à la première vertu du narrateur : la véracité.