Page:Barthe - Similia similibus ou la guerre au Canada, 1916.djvu/203

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en eurent l’inspiration, dans un de ces moments extraordinaires où, mise carrément en face de l’inévitable, l’âme commence à briser les liens qui la rattachaient à la terre.

Ils étaient une dizaine que les massacreurs avaient arrêtés sous un prétexte quelconque. Sans autre forme de procès, on les menait au supplice. Ils le savaient sans qu’on leur en eût dit un mot, car pendant ces sanglantes journées ils avaient été témoins d’exécutions sommaires.


I. Brouilly del.
Leur dernier soupir serait un cri de miséricorde : — Parce, Domine !…

Au moment où, rangés côte à côte le long du mur d’une grange, ils se virent en face de dix carabines chargées qui n’attendaient qu’un signal pour se braquer sur eux, tout à coup une voix forte s’éleva de leur groupe, entonnant un chant solennel qui leur était familier sans doute, car tous, levant les yeux vers le ciel, firent chorus. Leur dernier soupir serait un cri de miséricorde : Parce, Domine[1] Parce populo tuo… ne in aternum

Le reste de cette sublime prière se perdit dans

  1. Dans un drame populaire qui se joue à Paris, une autre victime des balles prussiennes entend bien différemment le pardon évangélique. Elle expire en disant : « Ne leur pardonnez point. Seigneur, car ils savent parfaitement ce qu’ils font ! »