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LA JOIE DE VIVRE

Pendant une grosse minute qui dut leur paraître interminable, ils firent mine d’hésiter entre deux partis héroïques. To be or not to be ! Avaler ou crever !

Cette soupe était une atroce perfidie. Sous la mince couche de graisse fluide qui l’empêchait de se trahir en fermant toute issue à son savoureux fumet, c’était de la lave de Vésuve, du métal en fusion, un avant-goût d’enfer ou de purgatoire…

Ce fut du moins l’opinion bien arrêtée que s’en formèrent unanimement les deux victimes de cette infâme mystification. Par politesse, ils ne dirent pas tout ce qu’ils en pensaient, mais leur silence était éloquent. De là la joie bruyante des autres convives, qui les remerciaient avec une effusion ironique de les avoir prévenus du danger et sauvés de la conflagration.

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Cette petite scène intime se passait par une belle soirée d’été dans un de ces calmes intérieurs, employons plutôt le mot du terroir, dans une de ces « maisons d’habitants » à l’aise qui bordent la rive gauche du fleuve Saint-Laurent à quelques milles en aval de la « Vieille Capitale, » autrement dit Québec.