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SIMILIA SIMILIBUS

Le jour s’était levé paresseusement, enveloppé d’une buée tiède derrière laquelle le globe solaire rougeoyait comme à travers un verre fumé, présage d’une journée chaude.

Droit en face de cette morne aurore, sur la cime du Cap, le drapeau germanique, flasque et presque sans vie, avait plutôt l’air d’un drap mortuaire avec sa bande noire dominante.

Il avait beau chercher à s’exhiber ; à peine de temps à autre un léger souffle de vent parvenait-il à redresser ses longs plis ; mais cela ne durait qu’un instant, il retombait aussitôt en loque et pantelait accroché à ses drisses comme le corps affaissé et disloqué d’un pendu.

Du reste, cette fantastique apparition ce matin-là sembla passer inaperçue. Le peuple matinal se rendait à l’ouvrage comme d’habitude, à l’appel des sifflets de manufactures. On eût juré qu’il n’y avait rien de changé, qu’il ne s’était passé absolument rien d’anormal.

La ville reprenait son petit train-train ordinaire comme si le drame de la veille n’eût été qu’un mauvais rêve mis en déroute par la cloche