Page:Barzaz Breiz, huitième édition.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

Quand on l’eut porté au carrefour, je quittai ma chaussure, et m’en allai le déterrer, sans bruit, sur mes bas.

Si je reste sur terre, et ma Lumière avec moi; si nous restons en ce monde encore un an ou deux ;

Encore deux ou (rois ans, mon doux ami et moi, nous ferons tourner ce monde à rebours.

— Prenez bien garde, jeune Loïza, prenez garde à votre âme; si ce monde est à vous, l’autre appartient à Dieu. —



NOTES


L’auteur suppose qu’Héloïse n’a que douze ans lorsqu’elle quitte la maison paternelle pour suivre son amant. Il y a, dans l’énumération qu’elle fait de ses talents, un certain orgueil qui commence par être naïf et finit par devenir horrible. On y trouve un bizarre mélange de pratiques druidiques et de superstitions chrétiennes. Héloïse est tort savante ; elle sait la langue romane et le latin. Elle lit l’Évangile; les abbesses seules, entre les femmes, en avaient le droit au chœur. Ce fait est important; il prouve qu’Héloïse était déjà retirée au Paraclet lors de la composition du chant. Elle n’est donc pas seulement sorcière, elle est religieuse, prêtresse même, puisqu’elle prétend consacrer l’hostie.

Elle est alchimiste; elle se métamorphose à son gré : elle est tour à tour chienne noire, corbeau, dragon ou feu follet. Les âmes des méchants empruntent toutes ces formes.

Au pied du mont Saint-Michel, en Cornouaille, s’étend un vaste marais; si le montagnard voit passer, sur le soir, un grand homme maigre et pâle, suivi d’une chienne noire, qui se dirige de ce côté, il regagne bien vite sa cabane, il ferme sa porte au verrou et se met en prière, car la tempête approche. Bientôt les vents mugissent, le tonnerre roule avec fracas, la montagne tremble et paraît prête à s’écrouler; c’est le moment où le magicien évoque les âmes des morts.

Le porte-brandon ou feu follet est un enfant qui porte à la main un tison qu’il tourne comme une roue enflammée ; c’est lui qui incendie les villages