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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

vint se perdre à la côte ; qu’un vaisseau du pays, sans rames, les mâts rompus, et fracassé de l’avant à l’arrière, se brisa contre les rochers.

Il était plein de morts ; nul ne saurait dire ou savoir depuis combien de temps il n’avait vu la terre ; et Silvestik était là ; mais ni père, ni mère, hélas ! ni ami n’avait aimé ses yeux !



NOTES

La conquête de l’Anglelerre remontant au onzième siècle, il y a tout lieu de croire que la rédaction première de cette ballade a été faite à la même époque. C’est l’opinion d’Augustin Thierry, qui l’a jugée aussi intéressante au point de vue historique qu’au point de vue poétique.

Plusieurs des chefs bretons, auxiliaires des Normands, se fixèrent dans les domaines qu’ils devaient à la victoire ; d’autres ne revinrent en Bretagne que longtemps après l’expédition. On comprend ainsi l’histoire de Silvestik. Mais qui était-il ? était-il fils d’un noble ou d’un paysan ? prenait-il part à la guerre comme sergent d’armes ou comme chevalier ? Nous adopterions plutôt ce dernier sentiment. Mais l’histoire n’en dit rien, non plus que la tradition. En revanche, celle-ci nous a conservé de singuliers renseignements relatifs à un usage auquel le poëte fait allusion ; nous voulons parler du ruban des noces.

Anciennement, s’il faut en croire quelques vieilles gens de la campagne, le jour des noces, chez les nobles, avant que l’on se rendit à l’église et que le fiancé fût arrivé, la nouvelle mariée descendait dans la salle du manoir, où les parents et les amis se trouvaient déjà réunis ; elle allait s’asseoir sur un lit d’honneur, et le Diskared (on nommait ainsi le plus notable des amants supplantés) s’approchait pour lui ceindre le ruban des noces. Ce ruban devait être blanc comme l’innocence de la jeune fille, rose comme sa beauté, noir comme le deuil qu’allait prendre le diskared. Un baiser était le prix de la tâche contre nature que lui imposait la coutume.

On conservait précieusement le ruban des noces dans la cassette des joyaux de la famille, d’où il ne sortait qu’aux jours de fête. Les années venaient : le rose, le blanc et le noir du ruban passaient avec les fraîches

couleurs de l’épouse, ses rêves naïfs de jeune fille et le chagrin de