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INTRODUCTION.

devin et de druide[1] ; ils gourmandent les rois et les peuples ; ils dispensent librement le blâme et la louange ; leur personne n’a pas cessé d’être inviolable et respectée ; ils se vantent d’être les descendants directs des anciens bardes de l’île de Bretagne[2] ; cependant le plus grand nombre, sinon tous, n’ont pu se soustraire à l’influence des événements qui entraînent l’Europe entière vers des destinées nouvelles ; ils sont tombés dans un état peut-être moins subalterne que celui des bardes gaulois, mais certainement bien inférieur à la position sociale qu’ils occupaient jadis.

Leurs plus anciens monuments poétiques, contre l’authenticité desquels les objections ont complètement disparu devant les investigations d’une critique éclairée et impartiale, comme l’a très-bien dit M. Renan, nous signalent cette décadence. Ils nous montrent les bardes pour la plupart sous le patronage des chefs nationaux. Nous les voyons s’asseoir à leur table, coucher dans leur palais, les accompagner à la guerre. Ils forment une portion régulière et constituée de chaque famille noble ; ils y occupent un rang distingué, ils ont des droits et des privilèges, en même temps que des devoirs à remplir[3].

Or cette époque était celle où les Bretons insulaires émigraient en masse en Armorique. Leur premier passage avait eu lieu du plein consentement des habitants de l’île ; maintenant ils étaient forcés : les Bretons fuyaient la domination saxonne.

En allant par delà les mers chercher leur nouvelle patrie, dit un auteur contemporain, ils chantaient sous leurs voiles, au lieu de la chanson des rameurs[4], le triste psaume des Hébreux, sans doute traduit en breton pour la circonstance :

  1. Myvyrian, t. I, p. 26 et 30. Cf. Prudence : non bardus pater aut avus augur Rem docuere Dei (Apoth. v. 296).
  2. Ibid., p. 23, 27, passim.
  3. Ibid., t. I, p. 4, 19, 35, 57, passim.
  4. Celeusmatis vice sub velorum finibus cantantes. (Gildas, De Excidio Britanniæ.)