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INTRODUCTION.

l’île de Bretagne, le font vivre sur la fin de sa vie au pays des Vénètes, près de l’émigré Gildas, ancien barde lui-même, qui passe pour l’avoir converti au christianisme[1].

Dans un comté voisin régnait alors le chef Jud-Hael ou Judes le Généreux, aussi de race cambrienne. Or Jud-Hael, peu de temps après l’arrivée du barde sur le continent, avait eu un songe ; il avait rêvé qu’il voyait une haute montagne au sommet de laquelle s’élevait, sur une base d’ivoire, une grande colonne dont les pieds s’enfonçaient profondément dans la terre, et dont le front chargé de rameaux touchait le ciel. La partie inférieure était de fer, brillant comme l’étain le plus poli et le plus épuré ; tout autour étaient attachés des anneaux de même métal, auxquels on voyait suspendus des cuirasses, des lances, des casques, des javelots, des freins, des brides et des selles, des trompettes guerrières et des boucliers de toute forme. La partie supérieure était d’or et brillait, dit l’historien de Jud-Hael, comme un phare élevé sur le bord de la mer ; tout autour étaient attachés des anneaux d’or auxquels pendaient des candélabres, des encensoirs, des étoles, des ciboires, des calices et des évangiles. Comme le prince admirait cette colonne, le ciel s’ouvrit, une jeune fille d’une merveilleuse beauté en descendit, et s’approchant de lui : « Je te salue, dit-elle, ô chef Jud-Hael : je suis celle à qui tu confieras pour quelque temps la garde de cette colonne et de tous ses ornements ; j’y suis prédestinée. » Ayant ainsi parlé, le ciel se ferma, et la jeune fille disparut.

Le lendemain en s’éveillant Jud-Hael se souvint de son rêve, et comme personne ne pouvait lui en donner l’explication, il pensa qu’il fallait envoyer consulter le barde Taliésin, fils d’Onis, ce devin d’une si rare sagacité, dont les chants merveilleux, interprètes de l’avenir, prédisaient aux hommes leurs

  1. Venit enim noviter de partibus Armoricanis,
    Dulcia quo didicit sapientis dogmata Gildæ.

    Vita Merlini Caledoniensis, p. 28.