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INTRODUCTION.

l’âge de cinq ans, des cantiques faits par sa mère en attendant qu’il en composât lui-même d’admirables dont l’écho est venu jusqu’à nous.

Ainsi le génie des bardes de l’île de Bretagne s’unissait à la muse d’Armorique, loin des villes, dans la solitude : mystérieux et poétique hymen dont l’avenir devait recueillir les fruits.

Cette fusion des deux génies gaulois et breton s’opérait incontestablement par l’action du christianisme. On se tromperait toutefois en croyant qu’elle eut lieu sans opposition, et que les bardes héritiers de la harpe et des secrets des anciens druides armoricains ne firent aucune résistance à l’invasion d’une croyance nouvelle qui les dépouillait de leur sacerdoce. Si Taliésin désabusé consacrait au Christ les fruits d’une science mystérieuse mûrie au pied d’un autel proscrit ; si les moines, prenant la harpe du barde, entraînaient dans le cloître les enfants des chefs ; si la mère chrétienne enseignait à son fils au berceau à chanter le Dieu mort en croix, il y avait encore des âmes fidèles au culte des ancêtres ; il y avait au fond des bois quelques débris dispersés des collèges druidiques, errants de cabane en cabane, comme ces druides fugitifs de l’île de Bretagne dont parle Tacite. Ils continuaient de donner aux enfants d’Armorique des leçons traditionnelles sur la Divinité, telle que la comprenaient leurs pères[1], et le faisaient avec assez de succès pour effrayer les missionnaires chrétiens et les forcer à les combattre adroitement par leurs propres armes[2]. Devenus hommes, leurs élèves marchaient au combat en invoquant le Dieu-Soleil, ou dansaient, au retour, en son honneur la chanson du glaive, roi de la bataille couronné par l’arc-en-ciel[3]. Leur connaissance des choses de la nature,

  1. Voyez le Druide et l’ Enfant, p. 1.
  2. Ibid., p. 13. Sur cette contre-partie chrétienne et sa popularité dans toute la France au moyen âge, V. Stober, Elsassiches Volksbüchlein, p. 147 ; Pr. Tarbé, Romancero de Champagne, t. I, p. 5 ; et J. Bugeaud, Chants popul. de l’Ouest, t. II, p. 273.
  3. La Danse du glaive, p. 74.