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INTRODUCTION.

laire, disent excellemment les frères Grimm, et surtout on ne le fixe pas plus dans la mémoire de tout un peuple, qu’on ne crée a priori, et qu’on ne fait parler une langue à une nation entière. Tenter d’improviser en pareil cas, est une entreprise extravagante, dans laquelle il faut désespérer de réussir. L’homme qui veut faire isolément de la poésie populaire, en tirer de son propre fonds, échoue habituellement, on pourrait presque dire inévitablement, dans la tâche qu’il s’est proposée. »

Un chant existe depuis longtemps, parce qu’il s’est trouvé, au moment où il est né, dans les conditions les plus favorables à une longue existence. Dans les mêmes conditions d’être, un autre jouira du même privilège, mais il ne pourra s’en passer. Réflexion naïve à force d’être juste.

Les chants populaires ressemblent à ces plantes délicates qui ne se couronnent de fleurs que lorsqu’elles ont été semées dans un terrain préparé d’avance.

Quoique les gens du peuple, en Basse-Bretagne, soient généralement doués d’un esprit poétique assez remarquable, et qu’on puisse attribuer indifféremment leurs chansons à la masse, sans distinction de sexe, d’âge ou d’état ; cependant, il est certains individus qui passent pour leurs auteurs : ce sont les meuniers, les tailleurs, les pillaouers ou chiffonniers, les mendiants, et ces poëtes ambulants qui ont retenu le nom usurpé, incompris désormais, hélas ! et bien déchu, de barz (barde).

Personne, excepté les kloer, que Taliésin appelait kler, et les prêtres, dont nous parlerons tout à l’heure, ne se trouve dans une position aussi favorable au développement des facultés poétiques ; personne n’est mieux fait pour jouer le rôle de chroniqueur et de nouvelliste populaire. Leur vie errante, l’exaltation de leur esprit, qui en est la suite naturelle, leurs loisirs, tout les sert merveilleusement.

La seule différence qu’il y ait entre l’existence du meunier